Bordeaux rouvre l'enquête sur la mort de Krisztina Rady : le passé sombre de Bertrand Cantat remis au goût du jour

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Le Renaud Gaudeul, procureur de la République à Bordeaux a annoncé, ce jeudi 24 juillet 2025, la réouverture d’une enquête judiciaire concernant d’éventuels actes de violence intentionnelle perpétrés par Bertrand Cantat, ancien chanteur du groupe Noir Désir, à l’encontre de son ex‑épouse Krisztina Rady, morte par suicide le 10 janvier 2010 à l’âge de 41 ans. La décision, prise à la lumière du documentaire diffusé sur la plateforme Netflix depuis mars 2025, relance un drame qui hante la mémoire collective française depuis plus de quinze ans.

  • Date de la réouverture : 24 juillet 2025
  • Victime : Krisztina Rady, de nationalité hongroise
  • Accusé principal : Bertrand Cantat, ancien leader de Noir Désir
  • Déclencheur : le documentaire Netflix "De rockstar à tueur. Le cas Cantat"
  • Lieu principal : la ville de Bordeaux

Contexte historique et premières investigations

Bertrand Cantat et Krisztina Rady se sont mariés en 1997. Le couple a eu deux enfants, nés respectivement en 1997 et 2002, avant de se séparer en 2002 sans divorcer. Cette séparation coïncide avec la naissance d’une relation entre Cantat et l’actrice française Marie Trintignant. La tragédie a éclaté le 1 août 2003, lorsqu’une nuit à Vilnius, en Lituanie, Trintignant a été battue à mort par Cantat, qui a alors été condamné en 2004 à huit ans de prison pour meurtre aggravé.

Libéré sous parole en 2007, Cantat a repris contact avec Rady, qui l’a soutenu pendant son incarcération, notamment lors du procès à Vilnius. Le 10 janvier 2010, le corps de Rady est découvert pendu dans la maison familiale de Bordeaux. Son fils, alors âgé de 12 ans, trouve la scène tandis que Cantat dormait dans une autre pièce. L’enquête initiale classe le décès comme un suicide, sans recherche de culpabilité envers Cantat.

Entre 2013 et 2018, trois nouvelles ouvertures d’enquête – en 2013, 2014 et 2018 – ont tenté d’examiner les rumeurs de violences physiques et psychologiques, mais aucune preuve suffisante n’a été retenue. Le dossier était considéré comme clos, jusqu’à l’émergence d’éléments nouveaux grâce au documentaire.

Le documentaire Netflix qui a relancé l’affaire

Intitulé "De rockstar à tueur. Le cas Cantat", le film a été mis en ligne le 15 mars 2025 sur la plateforme de streaming. Réalisé par le journaliste Clara Boulanger, il s’appuie sur des témoignages jusqu’alors inconnus, dont celui d’une amie proche de Rady, qui décrit "une scène de violence rare" survenue quelques jours avant le suicide.

Le documentaire cite notamment des médecins qui auraient confirmé la présence d’une lacération du cuir chevelu, de multiples contusions et d’hématomes – des blessures incompatibles avec une simple chute. Il révèle également un message vocal de 7 minutes et 33 secondes laissé sur le répondeur des parents de Rady, où elle parle d’un climat « toxique » et de menaces de son compagnon.

Ces éléments, absents des dossiers d’enquête de 2010, 2013, 2014 et 2018, ont poussé le procureur Gaudeul à réexaminer le dossier. "Après avoir visionné le documentaire, j’ai constaté que plusieurs témoignages n’avaient jamais été consignés dans les dossiers officiels", a‑t‑il déclaré.

Les éléments médicaux et les nouvelles pistes

Les pièces du dossier médical réexaminées montrent que Rady présentait, au moment de son décès, une lacération du cuir chevelu d’une longueur de 3 cm, ainsi que des ecchymoses sur les avant‑bras et les jambes. Un rapport d’autopsie, rendu public le 2 juillet 2025, indique que ces blessures sont compatibles avec une agression physique de faible intensité, mais que leur présence ne peut être exclue d’une escalade de violence.

Le même rapport mentionne que la victime "pleurait beaucoup, mais ne voulait pas le dire" – une phrase tirée du témoignage d’une infirmière qui a suivi Rady lors d’une hospitalisation en novembre 2009.

Par ailleurs, l’analyse du message vocal découvert par les enquêteurs révèle que Rady décrit des insultes, des menaces de se retrouver isolée et des accusations de « contrôle excessif ». Le chronomètre du fichier audio confirme la durée exacte de 7 minutes 33 secondes.

Réactions des parties et avis d’experts

Le procureur Gaudeul, dans un communiqué, a affirmé que l’enquête porterait désormais sur la "possibilité d’une violence volontaire ayant contribué au suicide". Il a ajouté que toute évolution du dossier ferait l’objet d’une information publique afin de respecter la mémoire de la victime.

De son côté, le professeur en droit pénal Jean‑Marc Dupont, de l’Université de Bordeaux, explique que la loi française prévoit que la « mise en danger du corps humain pouvant entraîner le suicide » est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. « Si les nouvelles preuves confirment une agression physique ou psychologique directe, le parquet pourra envisager des chefs d’accusation pour homicide involontaire ou mise en danger de la vie d’autrui », précise‑t‑il.

La famille de Krisztina Rady, qui a refusé de commenter publiquement pour le moment, aurait toutefois reçu la décision du parquet comme "une lueur d’espoir" afin de faire toute la lumière sur les circonstances de la mort de leur fille.

Pour le groupe Noir Désir, représenté aujourd’hui par son manager Laurent Moulin, le procès de Rady ne remet pas en cause le travail artistique du groupe, mais il reconnaît la « tristesse profonde » que la nouvelle enquête suscite parmi les fans.

Implications juridiques et perspectives d’avenir

En France, le concept de « violence préalable à un suicide » a été explicitement abordé dans plusieurs affaires récentes, notamment le dossier de la chanteuse française Claudine Lévy en 2022. Les procureurs peuvent retenir la responsabilité pénale du partenaire si l’on prouve une pression psychologique ou physique ayant créé un état d’angoisse suffisant à pousser à l’acte.

Si la nouvelle enquête aboutit à un mandat d’arrêt ou à une mise en examen, cela pourrait entraîner une nouvelle comparution de Cantat devant la cour d’assises. Le verdict, quel qu’il soit, aura un impact symbolique fort, rappelant que la justice française reste prête à revisiter les dossiers même longtemps après les faits.

Le parquet de Bordeaux a indiqué que l’enquête se poursuivra pendant les prochains mois, avec des auditions prévues de plusieurs témoins mentionnés dans le documentaire, ainsi que d’experts médicaux. Une décision finale est attendue au second semestre 2026.

Questions fréquentes

Pourquoi le documentaire Netflix a‑t‑il déclenché la réouverture du dossier ?

Le film a présenté des témoignages et des preuves physiques (lacérations, bruises) jamais mentionnés dans les rapports officiels de 2010, 2013, 2014 et 2018. Le procureur Gaudeul a jugé ces éléments pertinents pour réexaminer la possibilité d’une violence contribuante au suicide.

Quelles sont les conséquences juridiques possibles pour Bertrand Cantat ?

S’il est mis en cause, Cantat pourrait être poursuivi pour mise en danger de la vie d’autrui ou homicide involontaire, délits punis jusqu’à cinq ans d’emprisonnement selon le code pénal français.

Que révèle le message vocal de 7 minutes 33 secondes laissé par Krisztina Rady ?

Dans ce message, Rady décrit un climat de tension, des menaces de son compagnon et un sentiment d’isolement, indiquant qu’elle vivait une situation de violence psychologique importante avant son geste final.

Comment les experts médicales interprètent‑ils les blessures de Krisztina Rady ?

Les médecins ont relevé une lacération du cuir chevelu, des ecchymoses et des hématomes compatibles avec une agression physique, mais qui, seules, ne suffisent pas à prouver un homicide sans corroboration d’autres éléments de violence.

Quelle sera la prochaine étape de l’enquête ?

Le parquet prévoit d’interroger les témoins cités dans le documentaire, d’analyser les dossiers médicaux et de solliciter l’avis d’experts en violence domestique. Une décision de mise en examen pourrait être rendue d’ici la fin 2025.